GIZA: les ensembles funéraires royaux de la quatrième dynastie.

Por el Dr.Salah el-Naggar.

De la Misión Francesa en Sakara.

 

     Giza, actuellement une banlieue à l'Ouest du Caire sur la rive gauche du Nil, est un site particulièrement célèbre depuis la plus haute antiquité ouisque, sur le rebord du plateau calcaire libyque, à une quarantaine de mètres au-dessus de la  vallée, s'y élèvent les fameuses grandes pyramides. C'est la seule des "sept merveilles du monde", recensées dans l'antiquité, qu'on puisse encore admirer aujourd'hui.

     De tous temps, les pyramides ont étonné et fasciné les visiteurs. Constrites à la IVe dynastie, c'est-à-dire vers 2.600 av.J.C, elles restent à travers toute l'histoire pharaonique l'objet d'admiration. C'est à Hérodote, le savant grec qu'on appelle le "Pere de l'histoire", qui voyage dans la vallée du Nil au Ve siècle av.J.C., qu'on doit le mot pyramide; il désignait jusqu'alors un gâteau pointu. Ses descriptions du plateau de Giza seront les premiers témoignages d'une longue suite de récits que laisseront plus tard les nombreux voyageurs romains, arabes puis occidentaux, attirés par ces constructions imposantes et exceptionnelles. Il faudra attendre l'extrême fin de XVIIIe siècle, avec l'Expédition d'Égypte de Bonaparte, puis le début du XIXe siècle, pour que des explorations méthodique s'organisent avec Caviglia et Salt, Belzoni, Vyse, Perring et Campbell. La seconde moitié du XIXe siècle verra se développer les travaux scientifiques autour des pyramides, grâce à Lepsius (1842-1843), puis Mariette, Petrie et Maspero. Enfin,à partir de 1.902, la zone de Giza est partagée en concessions accordées à des expéditions archéologiques américaines,allemandes, autrichiennes, italiennes et égyptiennes. Actuellement les recherches et les fouilles se poursuivent toujours et ces dernières années ont connu d'importantes découvertes effectuées en particulier par l'Organisation des Antiquités d'Égypte.

     Giza est un élément de la vaste nécropole où, depuis Abou Roasch au Nord, jusqu'à Licht à l'entrée du Fayoum, ont été enterrés les pharaons d'Ëgypte; ils y dominent pour l'éternité leur capitale, Memphis, située juste au pied de la salaise, au point de jonction entre la vallée et le Delta, zone d'équilibre géographique privilégiée entre la Haute et la Basse Ëgypte. Car les pyramides sont des tombeaux. C'est sous ces masses imposantes de pierres que reposait pour l'éternité la dépouille momifiée des pharaons, roi-dieu de l'Ancien Empire. A l'origine, Imhotep, le génial architecte de la IIIe dynastie, va inventer por son Pharaon, Djoser, à partir d'un simple mastaba, un monument à degrés, comme un grand escalier qui monte vers le ciel. Le Professeur Jean-Philippe Lauer viendra la semaine prochaine vous exposer le bilan de près de 70 années de recherches consacrées à cet ensemble funéraire de Saqqara. Les successeurs de Djoser élèveront à leur tour des pyramides à degrés. Il faut attendre la dynastie suivante pour qu'apparaisse la première vraie pyramide: c'est le célèbre pharaon Snéfrou, qui va transformer à Meidoum la pyramide à degrés de son prédécesseur Houni en une véritable pyramide; il inagure ensuite à Dahshour I'ère de ces monuments prestigieux, avec d'abord la construction de la pyramide rhomboïdale (à double pente), puis enfin, éloignée de 1800m, la pyramide Nord,dite "la Rouge".

     Khéops, Khephren et Mykérinos, ses successeurs, choisiront Giza, 25 km plus au Nord, pour y élever leurs monuments funéraires, réalisant alors le plus vaste ensemble architectural de l'histoire Égyptienne. La base carrée de la pyramide de Khéops, par exemple, de 230 m de côté, couvre plus de 5 hectares. Sa hauteur, réduite actuellement à 138 m, devait atteindre 146,60m à l'origine: cette pyramide est restée pendant près de 4000 ans le monument le plus haut du monde. Il faudra attendre le Moyen Age pour que les flèches de certaines cathédrales la dépasse de peu. Les deux millons six cent mille m3 de pierres mises en oeuvre pèsent au moins six millons de tonnes. D'après Bonaparte, avec les pierres utilisées dans les pyramides, on pourrait élever autour de la France une enceinte de 3 m de hauteur sur 30 cm d'épaisseur!  On reste stupéfait devant l'énormité de la tâche nécessaire à la construction d'un tel monument: extraction des blocs des carrières parfois éloignées du chantier (le calcaire provenait de sites relativement proches où les équipes d'ouvriers sous la direction d'un contremaître ont laissé de nombreuses inscriptions mentionnant leurs expéditions), mais le granit venait d'Assouan à 900 km (la décoration de la chaussée du roi Ounas à Saqqara présente le transport des colonnes destinées au monument du roi), le basalte du Fayoum ou du Ouadi Hamamat, l'albâtre de Hatnoub,etc), halage des matériaux haut du plateau de Giza, puis construction de la pyramide en assises régulières, assemblage des pierres et enfin ravalement des quatre faces de la pyramide; les manoeuvres, la mise en place, ainsi que le jointoiement parfait ne dépassant pas un millimètre, constituent un véritable tour de force technique. Nous savons bien désormais qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une main d'oeuvre constituée d'esclaves. Il ne faut pas oublier que très récemment encore, avant la construction des barrages d'Assouan, l'Égypte était soumise au fleuve et à la crue du Nil. De Juillet à Septembre, l'inondation recouvrait le pays, empêchant les paysans de cultiver leurs champs envahis par les flots enrichis du limon si précieux. Il était alors possible de réquisitionner de très nombreuses équipes d'ouvriers pour participer aux travaux de la cour et édifier en particulier le  tombeau du Pharaon. A proximité des pyramides, on a pu mettre en évidence les vestiges du village où vivaient les ouvriers répartis en équipe ou philée. Des inscriptions nous précisent même la quantité d'oignons et de radis consommés par les équipes d'artisans. Et l'on imagine facilement toute l'administration nécessaire pour gérer un chantier de cette importance, qui, si l'on en croit Hérodote, a duré au moins 20 ans.

     Rappelons que la pyramide n'est qu'un élément d'un vaste ensemble monumental éléve pour protéger la dépouille du Pharaon. Lors des funérailles, la momie quittait en bateau la résidence royale, par un de ces canaux qui servaient dans l'Égypte ancienne de voie de communication; le cortège naviguait jusqu'à un petit port en bordure du désert oú la dépouille accostait: le temple d'accueil. Après les rites particuliers effectués dans ce premier sanctuaire, le cortège montait sur le plateau en empruntant une chaussée couverte décorée le plus souvent de bas reliefs colorés, une sorte de long couloir qui rejoignait un grand temple construit au pied de la face Est de la pyramide. De là, la momie gagnait l'appartement funéraire qui lui était réservé dans la pyramide elle-même.